Les modes alternatives (2) – La mode Emo

Par Jessica Kormann

De la scène musicale aux magasins de vêtements, la tendance emo est rapidement devenue un style populaire et apparemment connu de tous. Mais savez-vous vraiment qui sont les emos ?

Histoire et origines

Il faut voyager à Washington, au début des années 1980, pour trouver les premières traces de la culture emo. En ce temps-là, bien loin de la mode qu’elle est aujourd’hui, cette culture se résumait principalement à la musique. Et pour ne désigner qu’un des styles musicaux qui l’a inspirée, il faut citer l’emocore – ou emotive hardcore. Il s’agit d’un dérivé de la musique hardcore, dont les paroles sont plus émotionnelles. Au fil des années, le genre va d’ailleurs se mêler à d’autres pour donner naissances à des styles comme le ‘screamo’, un dérivé plus agressif de l’emocore.

Mais revenons en à la mode et à la façon dont l’emo est devenu le phénomène qu’il est aujourd’hui. C’est dans les années 2000, lorsque des groupes emo commencent à signer avec d’importants labels musicaux, que le genre gagne en popularité auprès du grand public et devient un produit plus marketing. Cependant, il demeure un style plutôt marginalisé.

Pour cause : comme la musique dont elle s’inspire, la mode emo met l’accent sur l’expression émotionnelle, le militantisme politique, ou encore la déconstruction des normes de la société. Ainsi, avec des vêtements et coiffures défiant les stéréotypes de genre, les emos marquent une sorte de révolution, qui en fera à la fois les héros et les ennemis du grand public.

Enfin, il faut noter que le style des emos vise à refléter les émotions ressenties par ses adeptes, notamment les plus sombres d’entre elles. Cependant, contrairement à ce qui lui est souvent reproché, cette tendance ne vise pas à rendre les jeunes malades ou dépressifs, mais à leur permettre de s’exprimer, et ce en passant par un style vestimentaire. Des stéréotypes sont souvent associés aux emos, comme la sensibilité, la timidité, l’introversion, ou de manière plus négative la dépression, l’automutilation et le suicide. Et s’il est vrai que certains emos portent explicitement des symboles de ces comportements à risque, ce n’est pas le cas de la majorité.

Garde robe

Si, comme les Lolitas dont nous avons parlé dans l’article précédent, les emos peuvent se distinguer en différentes catégories vestimentaires, la base d’une tenue de ce type reste passablement similaire.

La couleur principale choisie par les emos est ainsi le noir, ce qui leur vaut probablement une partie de leur catégorisation en tant que dépressifs. Cependant, cette couleur sombre est choisie afin de représenter les émotions, l’introspection et le mystère, ce qui n’est, à première vue, pas si déprimant. De plus, une grande partie des emos ajoutent des pièces colorées à leurs tenues, selon leurs préférences.

La tendance emo grunge avec une pièce noire.

Au niveau des accessoires, les looks se composent généralement d’un jean skinny et d’un T-shirt à bandes ou représentant un groupe de musique emo. Il est également courant d’opter pour un sweat à capuche, qui peut également être illustré d’un groupe de musique. Bien que la plupart des vêtements emos soient assez androgynes, et ce afin de continuer cette cassure des stéréotypes de genre, les robes et jupes sont également assez populaires dans le milieu. Les chaussures les plus fréquentes sont les converses, les vans, ainsi que les Doc Martens.

Finalement, au niveau des accessoires, le choix est assez libre ; mais les plus populaires sont les ceintures cloutées, les piercings au visage, ainsi que les bas et gants en résille. Le maquillage se compose généralement d’un eyeliner sombre et d’un rouge à lèvre noir, et la coiffure type réunit des cheveux lisses ainsi qu’une longue frange. Notons que cette coiffure typique est aussi probablement l’un des premiers éléments qui nous vient à l’esprit en pensant aux emos.

Catégories

Mais n’oublions pas que, comme mentionné plus haut, les emos sont représentés bien au-delà d’une simple catégorie de vêtements. Comme chaque tendance, l’emo est en effet personnalisable à l’infini, permettant à chacun de l’exprimer selon ses goûts et sa personnalité. Nous parlerons ici de deux des catégories de style emo les plus populaires : ‘l’emo grunge’ et le ‘scene emo’.

L’emo grunge, comme son nom l’indique, est un mélange de la tendance grunge et de l’emo de base. Il incorpore ainsi aux tendances emos des éléments comme des jeans déchirés et des vestes en jean ou en cuir. Ce style contient également davantage de superpositions, avec des T-shirt, chemises à carreaux, et autres vêtements superposables.

La tendance emo grunge avec une pièce rose, plus colorée.

Le scene emo, quant à lui, représente la version colorée de l’emo. Il est un mélange de la mode ‘scene’ et de l’emo classique, et invite généralement à des coupes de cheveux plus extravagantes. On retrouve notamment des couleurs de cheveux plus diverses, qui diffèrent du noir typique habituellement adopté. Il n’est pas rare non plus d’y découvrir des accessoires et vêtements globalement plus colorés et vivants que dans la culture emo. 

Polémiques

Comment finir cet article sans évoquer les nombreuses polémiques et manifestations autour du mouvement emo ? En effet, malgré sa grande popularité, notamment dans les années 2000-2010, l’emo demeure une mode méconnue et souvent mal représentée, ce qui l’a mise au cœur de nombreuses polémiques au cours de son histoire.Par ailleurs, la description faite de ce mouvement dans les anciens reportages n’a pas contribué à élaborer une image positive. Par exemple, dans un documentaire reposté sur la chaîne Documentaire société, on entend la voix-off décrire le style comme un « mélange de peluches et d’accessoires sado-masochistes ». Une description qui, répandue à grande échelle, peut mener à une incompréhension globale de cette tendance. Ajoutons que, comme ce reportage, certains médias présentent les emos comme une sorte de secte incluant des « rites initiatiques » (documentaire société) ; de quoi effrayer le grand public. Mais si ces dérives existent, elles sont loin de représenter l’entièreté du mouvement.

En dehors de sa représentation médiatique, le genre emo a également provoqué de nombreuses vagues de haine homophobe au cours de son histoire. De nombreux adeptes de l’emo étant homosexuels, et la tendance elle-même rejetant les caractéristiques de genre au niveau de l’apparence, cette communauté est sans doute une cible parfaite. Au Mexique et au Chili, on les a ainsi accusés d’exhibitionnisme tout en leur reprochant leur sexualité, ce qui a également mené à une série de chasses homophobes, résultant en de graves blessures pour les communautés emo (documentaire société).

La tendance emo scene

Un autre cas célèbre de polémique est l’accusation du style emo de causer la mort. En raison de son accusation de proner la dépression et les idées noires, l’emo a en effet été accusé d’être responsable du suicide par pendaison de la jeune Hannah Bond, adepte du style, qui disait apparemment « adorer la vie » (documentaire société). Il semble aujourd’hui étrange de conclure qu’être fan d’une tendance peut mener à la mort, alors que l’on ‘adore la vie’, et le suicide de cette jeune fille n’était probablement pas lié qu’à sa proximité avec le monde des emos. Selon certaines sources, elle aurait en effet fait partie d’un groupe qui se rapproche plus d’une forme de secte encourageant à l’automutilation (dailymail). Et si, comme mentionné plus haut, il ne faut pas nier l’existence de ce genre de dérive, la culture emo comme elle se revendique habituellement est loin d’être un danger pour les jeunes. Au contraire, elle est plutôt un moyen d’exprimer ses émotions avant qu’il ne soit trop tard pour le faire.

Ce qu’il faut finalement retenir de la tendance emo est qu’il s’agit d’un style assez libre, incluant toutefois certains ‘basiques’. Son but premier est d’offrir un moyen de s’exprimer aux jeunes en recherche d’appartenance ou de soutien ; un procédé extrêmement positif, dans une société où l’on accorde toujours plus d’importance à la discussion sur la santé mentale.

Sources

Wikipedia contributors. (n.d.). Emo. Wikipedia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Emo

Beserk. (1 août 2023). Ultimate guide to Emo Clothing. Beserk. https://www.beserk.com.au/blogs/news/ultimate-guide-to-emo-clothing-beserk

Documentaire société. (16 janvier 2021). Vous souvenez-vous du style emo ? [Vidéo]. Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=CBdqDlfa5Wg&t=601s

Wiki contributors. (n.d.). Emo. Wiki fandom. https://aesthetics.fandom.com/wiki/Emo#Emocore

Rawstorne, T. (15 mai 2008). Hannah was a happy 13-year-old until she became an ’emo’. DailyMail.

https://www.dailymail.co.uk/femail/article-1019750/The-tragic-story-happy-popular-intelligent-13-year-old-committed-suicide-emo.html

Images

Image principale: Tury, J. (2020). Remembering the Emo Trend. https://vocal.media/styled/remembering-the-emo-trend

Image Emo Grunge: RevXvol. (n.d.). The 100 best emo grunge outfit ideas. https://stones-on-acid.tumblr.com/post/164886500854

Image Emo Scene: Quora. (n.d.). What’s the difference between emo and scene ? https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww.quora.com%2FWhats-the-difference-between-emo-and-scene&psig=AOvVaw32QVQXw2lQj7DjmdWDwg4c&ust=1712955012989000&source=images&cd=vfe&opi

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