La Garde suisse pontificale

Par Gregorio Bernasconi

La Garde suisse pontificale est la plus petite, mais aussi la plus ancienne armée contemporaine. Actuellement constituée de 135 soldats, cette armée est intimement liée à l’histoire de la Suisse. Après vous avoir brièvement introduit son histoire, découvrez l’entretien d’un Garde suisse racontant son expérience personnelle auprès du Pape.

Origine et Histoire 

Dès sa création en 1506, la Garde suisse, comme son nom l’indique, fut constituée uniquement de jeunes hommes suisses. Mais si on remontait un peu le cours de l’histoire ?

Au 13e siècle, une majorité du territoire suisse appartenait aux Habsbourg. En opposition à la domination de cette famille très puissante, trois petits cantons de Suisse centrale, que l’on nomme souvent les Waldstätten, scellèrent en 1291 un pacte d’assistance mutuelle. Aujourd’hui, chaque 1er août, les Suisses et Suissesses commémorent cette alliance.

C’est durant le 13e et le 14e siècle que ces trois cantons acquièrent, grâce à de nombreuses batailles, une réputation de guerriers féroces qui s’étendra dans toute l’Europe. En 1315, par exemple, lors de la célèbre bataille de Morgarten, environ 1500 paysans des Waldstätten mirent en déroute les 4000 à 8000 soldats du duc Léopold 1er d’Autriche, seigneur des Habsbourg.

De 1477 à 1482, les cantons confédérés, au nombre de huit, s’illustrèrent dans la guerre, au côté de Louis XI (roi de France), contre les états bourguignons dirigés alors par Charles le Téméraire.

En 1499, La guerre de Souabe opposa dix cantons et leurs alliés à la maison des Habsbourg et la ligue de Souabe.

La guerre de Souabe

La réputation grandissante de ces combattants incita de nombreux rois et ducs à faire appel aux services des mercenaires suisses qui servirent alors dans toute l’Europe (Italie, Autriche, Grande Bretagne, France).

C’est dans ce contexte qu’en 1506, sous la direction du Pape Jules II, La Garde suisse pontificale fut officiellement créée. Ce bataillon de 200 hommes devait assurer la protection du Pape. Aujourd’hui, de nombreux symboles et traditions proviennent de cette époque: la hallebarde, l’épée, ou encore l’uniforme.

En 1527, les troupes de Charle Quint, alors empereur du Saint-Empire romain germanique, décidèrent de piller le Vatican et la basilique Saint Pierre, à Rome. Conséquence, presque la totalité des 200 gardes suisses furent décimés ce jour-là pour protéger le Pape. Ils réussirent toutefois à le sauver et à le mettre en sécurité. 

De nos jours, cet épisode tragique est commémoré chaque année lors de la journée d’assermentation des recrues.

Interview

Actuellement, c’est environ une centaine de jeunes hommes suisses qui s’engagent chaque année afin de servir le Pape. Un ancien garde, que nous appellerons Basile*, à accepter de nous raconter son expérience personnelle.

Peux-tu te présenter brièvement ?

Je suis d’origine tessinoise, mais j’ai grandi à Lausanne. En 2016, je me suis mis au service de Rome durant deux années. Actuellement, je suis ingénieur civil et je travaille depuis plusieurs années. 

Quelles sont les principales mission et tâche d’un Garde Suisse ?

Officiellement les missions de la Garde suisse sont au nombre de 5. Premièrement, il faut assurer la protection du Pape. Deuxièmement, il faut défendre le palais apostolique, c’est-à-dire la demeure du Pape et le ministère du Vatican. La Garde effectue aussi le contrôle des entrées de l’État du Vatican, une sorte de douane. Nous devons en outre assurer la protection du conclave en cas de « sede vacanta » c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de Pape. Et finalement nous nous devons d’effectuer un service d’ordre et d’honneur pour les événements publics du Pape.

La Garde suisse doit parfois accompagner le Pape dans ses voyages, bien que je ne l’aie jamais fait. Nous accueillons et accompagnons, avec des services protocolaires, de nombreux invités, hauts responsables du Vatican, ambassadeurs, etc. 

À quoi ressemble une journée-type ?

Dur à dire, les journées varient beaucoup entre elles. En règle générale, c’est comme tout métier : le programme est défini à l’avance. Mais nous assurons un service continu 24h par jour, 365 jours par années. C’est pour cela que les horaires varient beaucoup. On travaille de nuit, très tôt, très tard et parfois d’arrache pied pour remplacer un camarade. 

En plus du service, nous devons nous former et nous entraîner. Nous avons des cours théoriques, protocolaires, des entraînements au maniement des armes, ou encore l’apprentissage de la self-défense. La responsabilité de l’entraînement physique est plutôt personnelle.

« Cela m’a permis de comprendre cette dualité de la chrétienté; à savoir son lien avec la divinité, la sainteté, tout en étant construite sur une humanité forcément pécheresse et bien trop souvent mesquine »

Basile, Garde suisse au service du Pape pendant deux ans

Par contre, dès que le pape a quelque chose de prévu, une audience publique ou une réception, la journée prend vite beaucoup d’ampleur car, en plus du service ordinaire, il faut assurer le service de l’événement. Bien sûr, la vie là-bas n’est pas que professionnelle et j’ai pu apprendre à connaître Rome et ses environs.

Qu’est-ce qui t’a motivé à t’engager ?

Après mon bachelor (21 ans), j’avais envie de faire une pause dans mes études. Je n’ai jamais été partisan de l’idée qu’il faille tout faire au plus vite. J’ai commencé par accomplir mon école de recrue et l’expérience militaire m’a plue. En plus, l’idée de vivre à Rome me plaisait beaucoup. Finalement, donner de mon temps pour quelque chose lié à ma religion ne me dérangeait pas. J’aurais pu le faire de mille manière différente, mais comme je l’ai dit, j’avais bien aimé l’expérience de l’armée, j’ai pu ainsi combiner ces quatre facteurs. 

Quel bilan tire-tu de cette expérience, quels sont les points positifs et négatifs ?

Beaucoup de choses. Premièrement, la camaraderie, comme dans toute expérience militaire, est un aspect très présent et très marquant que j’ai pu vivre durant ces deux années. Le Vatican est aussi un endroit vraiment particulier. Pouvoir y vivre est une véritable opportunité car c’est un véritable centre d’importance mondial. On y voit des gens attirés tant bien par la religion, la sainteté que par le pouvoir. Cela m’a permis de comprendre cette dualité de la chrétienté; à savoir son lien avec la divinité, la sainteté, tout en étant construite sur une humanité forcément pécheresse et bien trop souvent mesquine.

Servir au Vatican offre entre autres le privilège d’être un spectateur privilégié de tous les événements du Pape, qu’ils soient politiques, de masse, religieux et autres. Car on fréquente aussi le Pape dans son intimité. Le fait de le voir, dans sa vie de tous les jours, c’est apprendre à connaître une autre facette de cette éminente personnalité.

Le point négatif est vraiment lié au service. Organisé de manière ultra-centralisée et ultra-hiérarchique, cela déshabitue les Gardes à la “responsabilisation personnelle“. C’est pourquoi le retour à la vie civile est très difficile pour de nombre d’entre eux. 

Le pacte scellé en 1291 par les trois cantons fondateurs

*nom d’emprunt

Bibliographie

Contributeurs aux projets Wikimedia. (2024, 18 avril). Histoire de la Suisse. https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Suisse

Contributeurs aux projets Wikimedia. (2023, 25 juin). Cent-Suisses. https://fr.wikipedia.org/wiki/Cent-Suisses

Contributeurs aux projets Wikimedia. (2024, avril 7). Mercenaires suisses. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mercenaires_suisses

Päpstliche Schweizergarde : Qui sommes-nous. (s. d.). https://www.guardiasvizzera.ch/paepstliche-schweizergarde/fr/qui-sommes-nous/

Weibel, T. (2023, 12 octobre). Le jour le plus sombre de l’histoire de la Garde suisse. Musée National – Blog Sur L’histoire Suisse. https://blog.nationalmuseum.ch/fr/2023/05/le-jour-le-plus-sombre-de-lhistoire-de-la-garde-suisse/

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