Dimanche 14 novembre 2021, dernière course du pilote moto qui a fait rêver le monde entier, celle de Valentino Rossi.
Etienne Di Lello, publié le 11 mars 2022
Une combinaison italienne impossible
Ce «passage à vide» n’est pas conséquence de blessures, qui auraient pu freiner le Docteur dans son élan de génie, non. À ce niveau-là, Rossi a toujours été plus ou moins préservé des longues mises à l’écart causées par de graves blessures, bien qu’il se soit fracturé le tibia-péroné à deux reprises en 2010 et plus tard en 2017, ce qui soulignons-le, est assez incroyable si l’on considère les risques que ces pilotes prennent sur ces engins de course surpuissants. Non, rien de tout cela ne peut être rallié à cette mauvaise phase, qui est en fait due à une combinaison de rêve sur papier, entre le meilleur pilote de la décennie et le plus grand constructeur italien au monde : le transfert de Rossi sur Ducati en 2011. Quel gâchis… pour des millions d’Italiens et d’Italiennes, l’idée d’un dixième sacre mondial au guidon d’une moto italienne, semblait comme trop belle pour être vraie et c’est exactement cette version pessimiste qui s’est produite. Rien à faire! Valentino ne parvient pas à imposer son style de pilotage sur la Desmosedici GP de Ducati, avec laquelle il ne semble pas vraiment à l’aise, comme si la couleur rouge n’était pas faite pour lui. Cette période compliquée sportivement, l’est également sur le plan émotif puisqu’en octobre 2011, Valentino est directement impliqué dans l’accident ayant causé la mort de son adversaire, mais surtout de son ami Marco Simoncelli. C’est donc sur deux saisons difficiles (7ème en 2011 et 6ème en 2012), que se termine la malheureuse et brève histoire entre les deux géants transalpins.
Retour chez Yamaha et saison 2015
La rage de vaincre à nouveau et la volonté de conquérir ce dixième mondial, mèneront le numéro 46 à se rediriger vers le constructeur japonais qui lui avait fait remporter ses quatre derniers titres. C’est donc sur Yamaha que Rossi entame la saison 2013 et les résultats positifs sont quasi instantanés: une seconde place au premier GP de Losail ravivera le cœur de tous les Rossistes et leur permettra enfin de rêver d’un dixième titre pour le Docteur. Il est pourtant bien trop tôt pour se hâter d’un nouveau sacre, puisqu’il faut désormais compter avec l’arrivée d’un surdoué de 20 ans: Marc Marquez. Seize podiums sur dix-huit courses lors de sa première saison en Moto GP, treize victoires en 2014 et le Catalan remporte ses deux premiers titres en deux saisons dans la catégorie reine. Le gamin est vraiment fort et ses rapports avec Rossi, son idole d’enfance comme pour des millions d’autres, sont plutôt faits de respect et d’admiration mutuelle entre les deux hommes. Toutefois, cette ambiance chaleureuse ne perdurera pas: la saison 2015 sera sans aucun doute la plus disputée et la plus controversée de l’histoire du Moto GP.
Durant la première partie de saison, la plus haute marche du podium est partagée entre trois pilotes: Rossi, Lorenzo et Marquez. L’évènement majeur cette année-là se produit en Malaisie, durant l’avant-dernière course du championnat. Alors en tête du classement par quelques points d’avance sur son coéquipier Jorge Lorenzo, la course de l’Italien est comme parasitée par un Marc Marquez enchaînant attaque sur attaque, toutes plus risquées les unes que les autres, alors que ce dernier n’est plus dans la course au titre contrairement à Rossi. Pendant sept tours, les deux pilotes ne cessent de se dépasser, offrant un spectacle intense et passionnant à des millions de personnes, mais l’un des principaux concernés ne voit pas cette lutte acharnée d’un bon œil, c’est le moins qu’on puisse dire. Après plusieurs signes d’agacement, Rossi ralentit fortement à l’entrée du virage 14, ce qui oblige la moto de Marquez à se déporter aux abords de la piste et l’Italien donne une furtive et légère poussette au pilote Honda qui chute instantanément. Incroyable! En re-visionnant cette scène irréelle, il est possible d’entendre le rugissement (d’exaltation pour certains, de colère pour d’autres), descendre des gradins de Sepang. Ce geste ne sera évidemment pas sans conséquences pour le coureur italien. Rossi se voit être rétrogradé à la dernière place de la grille de départ de la dernière course de la saison par la commission de course et malgré une remontée inoubliable de sa part, le Docteur termine en quatrième position à Valence.
Le championnat est finalement remporté par Jorge Lorenzo, alors qu’il n’aurait suffi que d’une seconde place à l’Italien pour obtenir ce dixième sacre tant convoité. Rossi déclarera ensuite que le comportement agressif de Marquez en Malaisie et sa passivité lorsqu’il s’était agi de prendre le dessus sur Lorenzo dès qu’il en avait eu l’occasion le reste de la saison, prouvaient sa volonté d’aider son compatriote à remporter le championnat, au détriment du numéro 46 et de ses nombreux fans dépités et remontés par cette situation. Ces sorties engendreront une énorme vague de soutien par tous les fidèles de la légende, qui ne parviennent à accepter la défaite de leur divinité (j’abuse à peine) et Rossi est considéré par ses sympathisants, comme le réel vainqueur de cette saison 2015 où Espagnols se seraient ligués contre le géant italien. Les stigmates de 2015 ne se refermeront jamais vraiment et la rivalité saine et sportive entre Rossi et Marquez mutera en une guerre d’égo entre les deux pilotes, ainsi qu’entre leurs supporters respectifs.
Démystification du phénomène: une fin de carrière toujours plus proche
Après 2015, s’ensuit une domination autre que celle du Docteur, qui n’a cessé d’être sous le feu des projecteurs durant les quinze dernières années. Le nouveau génie est Catalan et Marquez remporte quatre titres d’affilée, en 2016, 2017, 2018 et 2019. Valentino, bien qu’ayant pu batailler avec l’Espagnol en 2016, n’arrive plus vraiment à inquiéter le pilote Honda durant les quatre années suivantes. Quelques grands prix par-ci par-là, voilà les miettes que Marquez laisse à son idole d’enfance, le tout grand Rossi qui avait toujours eu le monopole sur le spectacle médiatique de cette discipline, devait désormais apprendre à faire avec un autre “extraterrestre”. En 2020, peu de monde avait vu venir la quinzième place du Docteur. Rossi n’apparaît plus de la même manière à l’écran : les caméras montrent des traits humains sur un visage de Dieu vivant et le temps semble comme avoir rattrapé le vivant qu’il est. La YZR-M1 de Rossi n’est plus la même que dans les années deux milles, aussi bien chez l’écurie officielle de Yamaha, que celle du team satellite Petronas, sur laquelle il participe aujourd’hui à son dernier Grand Prix… son dernier Grand Prix!
Grazie Vale!
Sur mon canapé, tout cela m’indique qu’aujourd’hui est tout de même une date historique. Ce sont les derniers tours de piste de celui qui aura fait rêver tant de gens par sa confiance en lui, par sa combativité, par sa fidélité à sa région natale et envers ses proches, qui font de ce personnage de jeu vidéo des années 2000, une véritable icône du sport contemporain. Je visualise encore une dernière fois cette scène de mon enfance et ce stand de plage de l’Adriatique, devant lequel flotte suspendu un maillot synthétique de Valentino Rossi à 25 ans sur sa victorieuse Yamaha. Grazie per i ricordi Vale!
Pour aller plus loin:
Le top-10 des célébrations de Valentino Rossi: #GrazieVale: Valentino Rossi’s Top 10 Celebrations
Le top-10 des combats de Valentino Rossi: #GrazieVale: Valentino Rossi’s Top 10 battles – Part 1
La poussette de Valentino Rossi à Marc Marquez: Valentino Rossi Kicks Marc Marquez Off His Bike – Malaysian Grand Prix 2015
L’interview de Valentino Rossi à Valence: Intervista di Guido Meda a Valentino Rossi – GP. Valencia (8 Nov 2015)
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