Charlène Wicky
Les Jeux paralympiques de Paris 2024 ont remis en avant les questions d’accessibilité, d’égalité et de reconnaissance du handicap dans le sport. Si les progrès et les moyens alloués par les fédérations nationales et internationales sont grandissants – pas pour autant suffisants – il n’en a pas toujours été ainsi. En témoigne le scandale de Sydney 2000.
Le sport, reflet des normes sociales
En tant que sportif ou sportive, le sport reflète des normes de puissance, de compétitivité, de perfection corporelle ou encore de maitrise du corps. On constate encore aujourd’hui que les clubs sportifs sont principalement dédiés aux personnes dites «valides», ce qui complique énormément les entraînements para-sport et, à fortiori, les possibilités de rêver de compétitions sportives.
Ainsi, cette inégalité des chances se traduit par un manque de reconnaissance des exploits para-sportifs. Une personne en situation de handicap sera davantage vue comme un modèle de résilience; au contraire des «valides», qui sont entièrement reconnu.e.s comme un modèle de discipline et de réussite sportive. Nous perpétuons ainsi des représentations sociales et limitons leur reconnaissance en tant que sportifs.ves à part entière. Nous pouvons tout de même souligner que Paris 2024 a diffusé et médiatisé de manière équitable les Jeux paralympiques et les Jeux olympiques.
Le scandale de Sydney
Lors des Jeux paralympiques de Sydney en 2000, un événement lié au handicap mental – aussi appelé déficience
intellectuelle – a beaucoup fait parler, créant un véritable scandale. Alors qu’ils ont remporté la médaille d’or, 10 des 12 joueurs de l’équipe de basket-ball espagnole n’étaient en réalité pas en situation de handicap mental. Cette tricherie a pu être révélée par un journaliste infiltré et cette équipe a du rendre sa médaille d’or.
Il faut savoir qu’à Sydney, le handicap mental des joueurs n’a jamais été vérifié par le Comité international paralympique (CIP) qui considérait trop compliqué de déterminer le niveau de handicap des athlètes déficients intellectuels. C’est pourquoi le CIP a décidé d’exclure les sportifs déficients intellectuels du programme des futurs Jeux paralympiques.
Ce scandal – couvert par le Comité paralympique espagnol – a montré que le CIP n’a pas pris au sérieux la classification du handicap mental puisque une équipe entière, ou presque, a pu la contourner. Pire, excluant ce type de handicap pour les prochains JO, cette instance a participé au manque de considération de ces handicaps invisibles et plus largement à la lutte pour l’inclusion et la dignité des personnes en situation de handicap.
Finalement, après 12 ans de réflexions, les athlètes déficients intellectuels étaient de nouveau éligibles aux Jeux paralympiques de Londres en 2012. Des critères plus strictes en matière de classification ont été établis. Pour être éligibles, au-delà du test de QI qui doit être inférieur à 75, les individus doivent démontrer que leur déficience impacte directement la discipline sportive pratiquée par exemple par des évaluations du temps de réaction, de la prise de décision ou encore la capacité à suivre des stratégies. Ces deux exemples historiques montrent que la place du handicap dans le sport est encore en voie d’acquisition.
Le rôle des institutions
Toutefois, cet essor n’est uniquement possible qu’avec l’aide des institutions comme les associations sportives, les fédérations sportives et le Comité international paralympique (CIP). Ces infrastructures accessibles sont importantes pour encourager la pratique du sport peu importe qui l’on est, et ce, dès le plus jeune âge. Elles peuvent aussi promouvoir davantage de compétitions adaptées et inclusives avec l’établissement de classifications équitables. Celles-ci permettent d’assurer que les athlètes concourent dans des catégories qui reflètent leurs capacités.
De plus, les institutions peuvent être à l’origine de campagne de sensibilisation qui permettent de promouvoir une représentation sociale plus juste des athlètes en situation de handicap. Au-delà de l’effort de médiatisation nécessaire au bon fonctionnement des perceptions sociales, des ressources économiques peuvent être renforcées par les institutions. Nous pourrions imaginer des bourses, des subventions ou encore le remboursement de cours de sport spécialisés, des équipements, etc.
En Suisse, il existe des mesures inclusives pour favoriser le sport chez les personnes en situation de handicap. Le Comité national olympique Swiss Olympic a dégagé trois axes principaux: «la promotion de projets inclusifs de fédérations (1), le soutien de manifestations sportives (inter)nationales de grande envergure à caractère inclusif (2), et le versement de contributions à dix grandes fédérations sportives en vue de renforcer leurs structures et de promouvoir les projets d’inclusion (3) » (Swiss Olympic, 2024).
Ainsi, les athlètes suisses sélectionné.e.s pour les paralympiques peuvent recevoir des financements de Swiss Olympic (comité nationale olympique). À côté de cela, Céline Van Till, athlète suisse de para-dressage, de course à pied et de para-cyclisme, souligne lors d’un entretien – auquel j’ai pu assisté – que les athlètes paralympiques reçoivent parfois plus facilement des sponsors, qui peuvent financer des équipements, puisqu’iels ont une «histoire à raconter». Ces changements structurels nécessitent encore des réflexions de la part des institutions afin de donner au para-sport une valeur égale à celle des sportifs valides.
Sources
Compte, R. (2010) . Sport et handicap dans notre société : un défi à l’épreuve du social. Empan, n° 79(3), 13-21
https://www.france24.com/fr/20181010-espagne-faux-deficients-mentaux-jeux-paralympiques-sydney
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