Quoi de mieux pour honorer la femme qu’un spécial Girl power? Pour cela, j’ai décidé de vous présenter chaque semaine des anecdotes, des faits, voire même des témoignages qui, au premier abord, paraissent anodins, mais nous rappellent que la domination du genre masculin sur le genre féminin n’est jamais bien loin… Accrochez-vous, c’est parti!
Hiba Ben Salem, 27 avril 2021
Disclaimer: une petite définition du terme «femme»est nécessaire. Lorsque le mot «femme» est employé dans ce texte, je ne désigne pas seulement, la femme avec un V à la place du P, mais toute personne se considérant comme telle. Ce mot renvoie donc au genre féminin, et non au sexe féminin.
Épisode 1: La langue française est masculine
Le combat des femmes pour l’égalité a mis en lumière plusieurs aspects discriminatoires de la langue française. Et oui, notre langue est genrée et rattachée à une norme masculine. C’est pourquoi, à partir des années 2000, plusieurs personnes revendiquent l’utilisation de l’écriture inclusive et ce dans le but de nous inclure toutes et tous. Toutefois, ce n’est que depuis une dizaine d’années que le grand public en prend connaissance et que certain-e-s décident finalement de l’appliquer.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’écriture inclusive, n’hésitez pas à cliquer sur le lien suivant: L’écriture inclusive, parlons-en.
Pour revenir à ce premier fait (cachant secrètement trois mini-faits), je vais vous démontrer que la domination du masculin sur le féminin est fortement présente dans notre langue. Et vous allez voir, cela remonte à très loin. C’est parti pour la petite histoire.
Au 17ème siècle naît l’Académie française, institution dans laquelle la participation des femmes est exclue. Son but premier est alors d’unifier la nation française, suite à des guerres de religion notamment, en passant alors par une unité linguistique. Durant les 18ème-19ème siècle, petit à petit se met sur pied un programme ayant pour but d’assurer la domination du masculin à travers le langage, et donc dans la société. Alors… tout s’explique! Mais comment?
Un féminin péjoré à travers la langue
Le vocabulaire de la langue française est genré. Alors oui, il faut savoir qu’en général les mots féminins sont dotés d’un sens relativement négatif et péjoré, contrairement aux mots masculins qui, eux, sont davantage «neutres ou nobles». Nous appelons cela la «dissymétrie sémantique». Voici un extrait de l’ouvrage Tirons la langue. Plaidoyer contre le sexisme dans la langue française, écrit par Davy Borde et publié en 2016, qui illustre à merveille ce processus:
«L’honneur d’un homme concerne sa dignité. L’honneur d’une femme sa petite culotte. […]
Une femme qui a un maître écoute son enseignement. Un homme qui a une maitresse la saute.
Un entraineur travaille à améliorer les résultats d’une équipe sportive. Une entraineuse travaille dans un bar à putes.
Un coureur fait du sport. Une coureuse est une saute au paf.
Un expert est un scientifique. Une experte s’y connait au plumard.
Un professionnel est un mec compétent. Une professionnelle est une pute.
Un homme public est un homme connu. Une femme publique est une pute.
Un courtisan est un flatteur. Une courtisane est une pute.
Un homme de mauvaise vie, ça ne se dit pas. Une femme de mauvaise vie est une pute.
Un gagneur est un performant qui gagne. Une gagneuse est une pute qui rapporte.»
Choquant, surprenant, ahurissant… vous pensez? Il y a donc bel et bien un écart et une différence considérable entre le sens d’un mot masculin et le sens de ce même mot au féminin. D’ailleurs, le mot «femme» peut être utilisé pour parler de l’épouse de quelqu’un alors que le mot «homme» ne pourra être utilisé dans ce sens. (Apparemment la langue espagnole aussi peut surprendre… Découvrez pourquoi en regardant ce TikTok.)
Ce n’est pas tout: selon la linguiste Patrizia Violi, il a été démontré que le «lexique relatif à la sphère de la sexualité dans le français moderne, énumère plus de six cent mots pour désigner la prostituée» (Violi, 1987) et 825 pour le sexe féminin. Qui plus est, toujours selon Violi, ces termes renvoient tous à l’idée que le sexe féminin est «un lieu vide, privé de spécificité propre, il n’a une signification qu’en tant qu’enjeu de désir et plaisir masculins et il n’est en soi que le lieu d’une absence”. Ainsi, le lexique relatif à la femme est relié à la sphère sexuelle soit en tant que «mère productrice» soit en tant «qu’objet de désir masculin». C’est pourquoi, les parties génitales des femmes sont masculines comme par exemple le vagin ou le clitoris. (HEIN? Comme dirait Emily dans la série Emily in Paris: «Le vagin n’est pas masculin!»)
De plus, des noms, auparavant masculins, deviennent féminins, et vice versa. C’est pourquoi un mot comme par exemple l’honneur reste masculin alors que la douleur devient féminin. Cependant, ce n’est pas le cas de tous les mots, pour la simple et bonne raison que pas toutes les prescriptions de l’Académie française ont réussi à rentrer dans l’usage. Le mot «caprice», lui, est resté masculin!
En lisant cela, vous risquez d’être surpris-e, en colère, effrayé-e, et c’est normal… Mais ne vous en faites pas, luttez contre ces petits faits sexistes et genrés de la langue française, en évitant par exemple d’utiliser le terme «putain» qui, entre nous, ne valorise pas trop la femme…
Ps: si vous êtes curieux-ses d’en savoir plus, n’hésitez pas à lire l’article de la linguiste Patrizia Violi Les origines du genre grammatical ainsi que les ouvrages de Marina Yaguello Les mots et les femmes, paru en 1987 et Les mots ont un sexe, paru en 2014.
Des métiers au masculin mais pas au féminin
Si jadis, l’usage du féminin pour désigner un nom de métier ne dérangeait pas, à partir du 17ème siècle, pour l’Académie française (AF), cela est devenu problématique. Ainsi, certains métiers ne s’emploient au féminin mais qu’au masculin, comme auteur, médecin, écrivain et j’en passe… Comme si l’AF n’avait pas fait suffisamment de dégâts.
Ce n’est qu’en 2019, que celle-ci, suite à la pression des médias mais aussi à l’utilisation régulière de l’écriture inclusive, s’accorde enfin à féminiser ces nombreux métiers et à s’aligner à la société en confirmant l’usage de mots tels qu’un auteur/une autrice ou un écrivain/une écrivaine. Il était temps!
Cliquez sur le lien suivant pour découvrir le communiqué de l’Académie française sur la féminisation de ces métiers.
Un masculin qui prédomine dans la grammaire
Depuis l’Académie française, les règles sur l’accord notamment des adjectifs et des participes présents ont été révisées et adaptées pour que le masculin prédomine sur le fémin.
Auparavant, concernant l’accord des adjectifs, une phrase comme : «Monsieur et Madame sont beaux», s’accordait en termes de proximité, c’est-à-dire qu’il fallait accorder en genre et en nombre avec le dernier mot avant le verbe. Cette phrase aurait donc dû s’écrire «Monsieur et Madame sont belles». Désormais, lorsqu’une phrase jouit de mots masculins et de mots féminins, l’accord demeure masculin.
De plus, concernant les participes présents, avant l’AF s’accordaient en genre et en nombre, c’est-à-dire comme des participes passés. Par exemple: «les informations précédentes la consigne sont inutiles». Désormais, la règle est la suivante: lorsque des participes présents sont employés en tant qu’adjectifs et sont suivis d’un complément, alors l’accord ne s’opère pas. Ainsi, la phrase mentionnée précédemment devient: «Les informations précédant la consigne sont inutiles».
Pour tout savoir sur la domination du masculin dans les règles de grammaire française, n’hésitez pas à lire l’œuvre d’Eliane Viennot intitulée Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin!, paru en 2014
Aïe, aïe, aïe, elle en a fait, des dégâts, l’Académie française. Des dégâts qui ne s’arrêtent pas seulement aux points que je viens de citer mais qui s’étendent sur plusieurs autres aspects! Alors oui, la langue de Molière est malheureusement bel et bien imprégnée d’une domination fortement masculine. Mais ce n’est pas la fin pour nous, femmes. Non, faites comme moi: changez les déterminants des mots (quand vous êtes entre amis surtout, parce que sinon cela risque d’être mal perçu). Si vous n’êtes pas trop à l’aise avec cette proposition, vous pouvez aussi simplement prendre connaissance de ces quelques faits et les transmettre autour de vous, car comme vous le savez: le savoir est une arme.
Si vous êtes curieux-ses d’en savoir plus sur ce sujet, l’Université de Neuchâtel vous propose un “guide pratique pour l’utilisation de l’écriture non-discriminatoire” ainsi que des ateliers qui vous permettront de devenir des pro de l’écriture inclusive en un clin d’œil!
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