Troubles du comportement alimentaire: déconstruire les préjugés pour mieux aider

Antonina Wilczynska

Toutes les 52 minutes aux États-Unis, les troubles du comportement alimentaire (TCA) causent un décès. En France, ils représentent la deuxième cause de mortalité prématurée chez les jeunes. Parlons de ces maladies pour mieux les comprendre et agir.

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont des maladies psychiatriques qui touchent près de 9 % de la population mondiale. Souvent invisibles et mal compris, ils ne se limitent pas à un problème de nourriture mais reflètent une souffrance.

Un simple commentaire, même bien intentionné, peut raviver ce mal être et provoquer une rechute. Il est important de déconstruire ce problème et de le saisir car nous avons tous un rôle à jouer dans la manière dont nous interagissons avec une personne concernée par un TCA. Alors, comment aider sans blesser ?Je ne suis pas psy ou médecin, mais je connais bien le sujet. Mon but ici est de sensibiliser et d’expliquer comment interagir avec les personnes atteintes de TCA. Il faut garder à l’esprit qu’un seul article ne suffit pas à traiter le sujet dans sa globalité.

Un trouble du comportement alimentaire, c’est quoi ?

Les TCA peuvent toucher tout le monde, peu importe l’âge, le genre ou le poids, bien qu’ils concernent majoritairement les jeunes femmes. Moins de 6 % des personnes atteintes sont en sous-poids, ce qui signifie que l’apparence ne reflète pas toujours la maladie.

Contrairement aux idées reçues, ces troubles ne sont ni un caprice, ni une question de volonté. Ils résultent de facteurs multiples :

Psychologiques : anxiété, traumatismes, faible estime de soi, agression sexuelle.
Biologiques : prédisposition génétique, troubles neurodéveloppementaux.
Sociaux et culturels : culte de la minceur et injonctions alimentaires.

Il est également important de noter que les TCA peuvent évoluer et coexister. Ils prennent plusieurs formes :

L’anorexie mentale se manifeste par une restriction alimentaire extrême et un besoin intense de contrôle.
La boulimie, quant à elle, se caractérise par des épisodes de compulsions alimentaires suivis de comportements compensatoires.
L’hyperphagie repose sur ces mêmes crises, mais sans compensation ultérieure
L’orthorexie désigne une obsession excessive pour une alimentation jugée « saine ».
Le pica se traduit par l’ingestion de substances non comestibles.
La bigorexie est une obsession du corps musclé et du sport, liée à un mal-être profond avec son image, qui entraîne des comportements excessifs comme le surentraînement et le contrôle strict de l’alimentation, avec des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale.

Conséquences physiques et psychologiques graves

Les TCA figurent parmi les maladies psychiatriques les plus mortelles :

En France, 5 à 15 % des personnes souffrant d’anorexie décèdent des suites de la maladie. 20 % d’entre-elles et 35 % de celles touché·e·s par la boulimie ont déjà fait au moins une tentative de suicide.
70 % des personnes souffrant de TCA ont également une dépression ou des troubles anxieux.

Les troubles alimentaires ont de nombreuses répercussions sur la santé. Sur le plan physique, ils peuvent entraîner une dénutrition, une aménorrhée, une fragilisation osseuse (ostéoporose), ainsi que des troubles cardiaques et digestifs. Sur le plan psychologique, ils favorisent l’isolement, une perte de motivation et un profond sentiment de perte de contrôle. Économiquement, les crises de boulimie, par exemple, peuvent coûter plusieurs centaines d’euros par mois et mener à un surendettement.

La guérison d’un trouble alimentaire va bien au-delà de la reprise de poids. Pourtant, 50 % des personnes concernées n’ont pas accès à une prise en charge adaptée. Ce processus est long, non linéaire, avec des rechutes, ce qui nécessite un suivi médical et psychologique. Face à une personne touchée par un TCA, il est normal de se sentir démuni ou maladroit. Que dire ? Que faire ? Comment éviter d’aggraver involontairement la situation ?

Agir avec bienveillance et compréhension

Les troubles du comportement alimentaire sont souvent associés à la dysmorphophobie, un trouble qui altère la perception du corps. La personne concernée ne se voit pas telle qu’elle est réellement, ce qui complique son rétablissement et peut accentuer ses comportements toxiques.

Éviter les remarques sur l’apparence et le poids : Même un compliment peut nourrir l’obsession du contrôle et l’angoisse. Dire « tu as pris des joues, ça te va bien » peut être difficile à entendre pour une personne en guérison.

Ne pas minimiser ni dramatiser la maladie : Ces maladies mentales, souvent liées à des traumatismes ou à une détresse psychologique, ne se résument ni à l’alimentation ni au poids. Les minimiser ou les dramatiser est contre-productif. Les troubles alimentaires font partie du quotidien de certaines personnes, mais ça ne veut pas dire que ça les définit. C’est pour ça qu’on préfère dire “personne souffrant de TCA” plutôt que de réduire quelqu’un à sa maladie.

Éviter les commentaires sur la nourriture et le contrôle des repas : Les remarques comme « tu devrais manger plus ! », « tu manges trop/pas assez » ou encore « tu as assez mangé ? » renforcent l’anxiété et la culpabilité. De même, imposer une situation alimentaire stressante (« juste pour me faire plaisir, prends un dessert ») ou surveiller les repas peut accentuer le sentiment de perte de contrôle.

Ne pas donner de conseils non sollicités ou simplistes : Les TCA ne sont pas une question de volonté. Dire « essaie juste de manger équilibré », « fais du sport, ça va te changer les idées » ou encore « la méditation va régler ton problème » simplifie à l’extrême une réalité bien plus complexe qui nécessite une prise en charge adaptée.

Ne pas culpabiliser la personne : Les phrases comme « tu fais du mal à tes proches en agissant comme ça » ou « mais tu allais mieux, pourquoi tu rechutes ? » ne font qu’accentuer la détresse et la culpabilité, rendant la guérison encore plus difficile.

Ne pas invisibiliser ou idéaliser les TCA : Les TCA touchent tout le monde, indépendamment du genre ou du poids. Dire « ce sont des maladies de filles » invisibilise de nombreuses personnes concernées. Romantiser ces troubles (« j’aimerais avoir ta discipline ») est aussi dangereux : les TCA ne sont ni un choix ni un mode de vie, mais des maladies graves qui causent une grande souffrance.

Ne pas forcer la personne à parler ou à changer : Les troubles alimentaires sont difficiles à verbaliser. Forcer quelqu’un à se confier (« explique-moi pourquoi tu fais ça ») ou à changer (« arrête de peser tes aliments ») peut être perçu comme une pression supplémentaire.

Comment être un soutien efficace ?

Respecter les limites en évitant de forcer la discussion ou le changement.
Se renseigner pour mieux comprendre les TCA et adopter une attitude bienveillante.
Créer un environnement apaisant en évitant les discussions sur le poids, l’alimentation ou les régimes.
Ne pas interpréter sa distance comme un rejet, l’isolement est souvent involontaire.
Écouter sans juger et éviter les avis ou conseils non sollicités.
Encourager la recherche d’aide, car un suivi spécialisé et un soutien sans pression facilitent la guérison.
Gérer les rechutes, c’est accepter que la guérison n’est pas linéaire : elles ne sont pas des échecs. Un soutien bienveillant sans culpabilisation est essentiel.
Se préserver en reconnaissant ses limites permet de soutenir sans s’épuiser, et chercher de l’aide auprès de groupes ou de professionnels aide à mieux accompagner l’autre.
Repérer les signes inquiétants comme :

Les changements alimentaires : Sauter des repas, éviter de manger en public, obsession pour certains aliments.
L’isolement et l’anxiété : Éviter les repas collectifs, stress accru autour de la nourriture.
L’hyperactivité et contrôle excessif : Sport à outrance, calcul obsessionnel des calories.

Besoin d’aide ? Voici quelques ressources en Suisse

La Main Tendue – tél : 143

Ligne d’écoute anonyme et confidentielle, 24h/24 et 7j/7

Pro Mente Sana – tél : 0848 800 858

Soutien psychosocial, conseils juridiques en lien avec la santé mentale.

Centre vaudois anorexie et boulimie (abC) – tél : +41 21 314 39 60

Spécialisé dans l’accompagnement des personnes souffrant de TCA

Département de psychiatrie du CHUV – tél : +41 21 314 11 11

Pour une prise en charge psychiatrique spécialisée.

Pro Juventute – tél : 147

Aide gratuite et confidentielle pour les enfants et les jeunes, 24h/24

Ligne Stop Suicide – Soutien jeune et prévention : www.stopsuicide.ch
Santépsy.ch – Plateforme romande regroupant unfos, et aides d’urgence.

Sources chiffrées

Autres sources

Interview avec une personne atteinte qui a souhaité rester anonyme.Pujol, F. (2022). Je mange et je suis bien : votre nouveau comportement alimentaire. Paris : Presses Universitaires de France (PUF), collection Les Psycho-guides.

Pujol, F. (2022). Je mange et je suis bien : votre nouveau comportement alimentaire. Paris : Presses Universitaires de France (PUF), collection Les Psycho-guides.

Images

https://images.app.goo.gl/qUZn9yzxNaxaREPy6

https://toledocenter.com/resources/7-hidden-signs-of-eating-disorders/

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