Maureen Berra
Comment les musées doivent-ils traiter les collections issues de contextes coloniaux ? L’exposition « Nommer les natures : Histoire naturelle et héritage colonial », mise sur pied par le Musée d’Histoire naturelle de Neuchâtel, s’interroge sur l’appropriation scientifique.

L’exposition temporaire « Nommer les Natures : Histoire naturelle et héritage colonial » bouscule les codes et propose une réflexion critique sur les méthodes de collecte des spécimens d’histoire naturelle dans les contextes coloniaux. Elle est exposée au Musée d’Histoire naturelle de Neuchâtel (MHNN) du 15 décembre 2024 au 17 août 2025
Perspective critique sur les archives historiques
« Nommer les Natures : Histoire naturelle et héritage colonial » s’appuie principalement sur les objets récoltés par le naturaliste suisse Johann Jakob von Tschudi.
Mandaté par le Musée d’Histoire naturelle de Neuchâtel en 1838, il s’est rendu au Pérou, où il est resté cinq années. Durant cette période, il a chassé et collecté plus d’un millier de spécimens : plantes, animaux empaillés, squelettes, organismes conservés dans du liquide et même quelques ossements humains. Sa collecte a ensuite été rapatriée en Suisse et exposée au Musée d’Histoire naturelle de Neuchâtel.
L’exposition propose certains des spécimens de Johann Jakob von Tschudi, tous dissimulés derrière des rideaux. Cette mise en scène symbolise une forme de respect, car aucune autorisation n’avait été demandée aux peuples autochtones pour prélever, exporter et exposer ces objets. De plus, par soucis éthique, les ossements humains ne sont pas montrés. Ainsi, l’exposition « Nommer les natures : Histoire naturelle et héritage colonial » invite à une prise de recul vis-à-vis des collections constituées dans des contextes coloniaux et sur la responsabilité des musées.
L’exposition présente également des œuvres d’artistes contemporains d’Amérique latine et de Suisse, qui offrent un regard plus actuel sur les méthodes employées par von Tschudi. Elles ouvrent la réflexion sur divers sujets connexes, tels que le rôle des croyances, l’expertise des peuples autochtones, le choix de nomenclatures scientifiques et ses limites.

Cette exposition temporaire s’inscrit par ailleurs dans le projet Naming Natures du Fond national suisse (FNS). Naming Natures est un projet à mi-chemin entre communication et science, basé sur les recherches de Tomás Bartoletti concernant l’histoire des relations entre la Suisse et l’Amérique latine au XIXe siècle. Le but de ce projet est de sensibiliser le public au passé conflictuel des musées d’histoire naturelle.
Responsabilité des musées d’histoire naturelle remise en cause
Alors que la question de l’héritage colonial est plus qu’importante, l’exposition « Nommer les Natures : Histoire naturelle et héritage colonial » propose des réflexions intéressantes et pertinentes. Les musées peuvent-ils encore exposer des objets acquis dans des contextes coloniaux ? Cette exposition invite à prendre conscience de ces enjeux.
Elle questionne également le rapport entre la nature et la culture, en mettant en évidence l’appropriation du patrimoine naturel par les scientifiques occidentaux. Elle insiste sur l’importance de reconnaître l’expertise et les savoirs des peuples autochtones, ainsi que de respecter leur héritage.
Enfin, comme son nom l’indique, l’exposition temporaire propose de réfléchir quant aux noms attribués aux spécimens collectés. Elle met en évidence comment le colonialisme et l’impérialisme se cachent parfois derrière un simple acte de classification scientifique.
« Questionnement sur les rapports du pouvoir »
« J’ai trouvé intéressant de voir que l’héritage colonial ne se retrouve pas que dans les relations humaines mais aussi dans notre rapport aux animaux et aux ressources naturelles. C’est intéressant que des sciences qu’on pense très objectives peuvent aussi avoir ce genre de questionnement sur les rapports de pouvoir qu’elles engendrent » commente Iris Défago, une étudiante en ethnologie à l’Université de Neuchâtel.
Cette exposition reflète en effet des thèmes abordés dans de nombreux cours à l’Université de Neuchâtel et offre ainsi une illustration des concepts théoriques traités en classe. Ne manquez pas cette occasion de voir ces enjeux théoriques prendre vie à travers des cas concrets !
Informations pratiques
L’exposition temporaire « Nommer les Natures : Histoire naturelle et héritage colonial » se tient au Musée d’Histoire naturelle de Neuchâtel (MHNN) du 15 décembre 2024 au 17 août 2025.
Adresse : Rue des Terreaux 14, 2000 Neuchâtel
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Tarifs : 4 CHF pour les étudiants, gratuit le mercredi
Durée de la visite : Environ 2 heures pour tout lire
Une occasion unique de découvrir une approche critique et actuelle sur l’histoire naturelle et son héritage colonial.

Sources
Naming natures : https://www.naming-natures.ch/
Musée d’Histoire naturelle de Neuchâtel : https://museum-neuchatel.ch/
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