Vi(d)e minimaliste

Marine Flattet

Omniprésent de nos jours, le « minimalisme » s’en tient à l’essentiel. Cependant, la place de l’humain semble tant réduite que cela suscite une réflexion sociétale, environnementale et esthétique.

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Photo libre de droit (Unsplash)

Avez-vous peur du vide ? Mieux vaut avoir l’estomac bien accroché, car le minimalisme s’est imposé tant dans nos intérieurs que dans nos extérieurs. Avant toute chose, il semble important de rappeler qu’un style n’appartient pas à une époque et que comme tout autre mouvement artistique, il s’inscrit dans une polychronie1. Ainsi, tentons d’expliquer l’émergence du minimalisme actuel sous l’angle de son contexte culturel, économique et politique. 

Urbanisme et environnement 

Le minimalisme a émergé dans les années 60 aux États-Unis, avec pour objectif de remettre en question la relation entre l’objet et l’espace. Il s’oppose à la subjectivité de l’artiste expressionniste et au maximalisme. Actuellement, ce courant artistique tend à être détourné et banalisé à des fins pratiques et économiques.

Prenons l’exemple des espaces urbains. Après la seconde guerre mondiale, l’emploi du béton s’est répandu au profit de solutions rapides et peu onéreuses. Mais pourquoi cette tendance perdure-t-elle ? Le design tend à s’uniformiser au profit de grandes surfaces lisses et monochromes. Par conséquent, certains paysages se trouvent dénaturés et à cela s’ajoute un problème aussi bien environnemental qu’esthétique. 

En effet, selon un article du journal Le Courrier (2024), le béton augmenterait les gaz à effet de serre à hauteur de 8%. De plus, un article paru dans Swissinfo (2019) a mis en lumière les ravages des sols naturels causés par le mitage du territoire. Il est également souligné que cette pratique contribue à effacer l’histoire et la culture des pays, privant les futures générations de leur héritage. En somme, le minimalisme urbain semble se tourner vers une esthétique de rendement quelque peu hostile.

« Less is more2 » ?

Effectivement, cet aménagement ne semble ni correspondre, ni s’adapter au confort des usagers: des bancs impersonnels glacés en hiver et brûlants en été, des clôtures métalliques ou encore des lampadaires et luminaires froids.

A ce propos, le designer et docteur en architecture design Joffrey Paillard aborde d’un point de vue critique l’inhospitalité du design urbain. Il souligne que ce type d’aménagement ne prend pas en compte « les corps fatigués, éreintés, meurtris, abîmés, brutalisés […] » (2024, p.12). Les espaces trop épurés éclipsent l’individu.

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Photo libre de droit (Unsplash)

De plus, il s’est avéré que les couleurs impactent directement les humeurs et la performance tant sur le plan du rendement que celui de l’épanouissement qui rendra l’individu plus efficient. En effet, le choix de couleurs achromatiques3 comme le noir, le gris et le blanc symbolisent la tristesse, la mort, l’ennui et l’incertitude. Par conséquent, un manque de détails combiné à une palette monotone contribue à un état apathique, voire propice à la dépression. Alors, quelle place cela laisse-t-il à la créativité et à la performance ?

Le luxe du détail

Cela ouvre la porte à des réflexions sociétales plus vastes. Si l’attention portée au détail tend à se perdre, il serait logique de déduire que, par contraste, le maximalisme deviendra à nouveau convoité. 

Par conséquent, comment expliquer cette tendance au minimalisme sous le prisme d’une technologie de pointe qui ne cesse de croître ? Cela ne témoigne-t-il pas d’un vide créatif ? Une chose est certaine, cela soulève des interrogations. 

Et vous, que pensez-vous ? A une époque où tout semble réductible à l’essentiel, que choisirez-vous : un monde où chaque détail devient une histoire, ou un monde minimisant les différences au détriment de l’environnement ?

Envie d’en apprendre plus sur le sujet? Regarde cette vidéo!

Notes de bas de page

  1.  Terme employé par Nicolas Reveyron qui stipule qu’un courant artistique peut coexister au sein de plusieurs temporalités ou espaces. À comprendre que l’art ne suit pas une chronologie linéaire, mais plutôt une périodisation. ↩︎
  2.  La véritable origine de cette expression remonte à Jean Krämer. Cependant, elle fut popularisée par l’architecte Mies van der Rohe au cours du XXème siècle. ↩︎
  3. Qui « n’a ni teinte ni saturation spécifique » (Keim). ↩︎

Sources

Finestre sull’Arte. (n.d.). Minimalisme, histoire et artistes du mouvement réductionniste. https://www.finestresullarte.info/fr/ab-art-base/minimalisme-histoire-et-artistes-du-mouvement-reductionniste 

Keim. (n.d.). La psychologie des couleurs. https://www.keim.com/fr-ch/psychologie-des-couleurs/ 

Larousse. (n.d.). Minimalisme. Le dictionnaire Larousse en ligne. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/minimalisme/51617

Morisset, A. (2007). Le minimalisme. Centre Pompidou. https://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-minimalisme/ENS-minimalisme.htm 

Morisod, K. (2019). « Pour préserver nos paysages reçus en héritage ». Swissinfo. https://www.swissinfo.ch/fre/politique/opinion_-pour-pr%C3%A9server-nos-paysages-re%C3%A7us-en-h%C3%A9ritage/44696214 

Paillard, J. (2024). Hospitalité et vulnérabilité : Le design urbain comme activité de bricolage critique. Proposition d’analyse des installations urbaines du collectif Bruxellois, Design for Everyone (D4E1). Design, Arts, Médias, volume 8, page 2-20. https://hal.science/hal-04600308/file/%5BDAM%5Dhospitalite-et-vulnerabilite-le-design-urbain-comme-activite-de-bricolage-critique-proposition-d’analyse-des-installations-urbaines-du-collectif-bruxellois-design-for-everyone-d4e1.pdf 

Reveyron, N. (2008). Chronologie, périodisation, polychronie : les temps de l’histoire de l’art médiéval. OpenEdition Journals. https://doi.org/10.4000/perspective.2708 

The art avenue. (n.d.). D’où vient l’expression minimaliste Less is More?. https://theartavenueshop.com/blogs/blog-decoration/less-is-more-origine-expression?srsltid=AfmBOoq_FJEbD_qT5NVjgLnE8nasJGBHxR7IB4CFA4YY7lp7DwRWc1gI 

Vos, A. (2024). Le béton, chance et calamité des villes. Le Courrier. https://lecourrier.ch/2024/01/14/le-beton-chance-et-calamite-des-villes/

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